laisse danser le passé
❰ Damnation
InvitéInvité
❱ Rédemption
connait l'programme par coeur d'ces soirées qui s'répètent et s'enchaînent. y'a pas un chat qu'aurait envie d'venir lécher l'sol de la cuisine même si ça sent bon les épices. 'sait pas pourquoi ravi, son p'tit resto décolle pas, ça fait dix piges qu'il tente d'ravir les papilles d'ceux qu'osent fouler ses portes mais sont pas nombreux à tenter d's'ouvrir l'appétit au palak paneer. l'est bon cuisto pourtant, p'tit tablier tout parfait manquerait plus qu'la toque de chef pour y croire en vrai. c'est peut-être la ville qu'aide pas, y'a que des timbrés dans les rues, d'ses gueules qui donnent pas envie d'sortir après minuit sous peine de s'prendre une balle entre les deux yeux. pas la meilleure idée du siècle que de venir se perdre ici. l'aurait pu migrer ailleurs, prendre les clics les clacs les tiroirs et s'poser dans un trou moins merdique. mais l'est resté, foutu fierté d'pas vouloir abandonner même quand l'navire coule depuis trop longtemps. y'a quand même du positif, un truc peut-être trop bien dans c'train-train infernal, et c'est l'coeur qui boum boum à s'en décoller lorsque y'a la gueule du mari qui s'pointe. y'a l'rictus qui peut pas s'empêcher de s'étirer et les pensées qui viennent l'enflouter dès qu'il voit l'monsieur à l'anneau au doigt. parait qu'faut aimer pour s'marier, parfois ça vient juste après. ravi dans son p'tit tablier bleuté, quitte la cuisine du resto pour s'perdre dans l'unique allée où les tables hurlent le vacarme silencieux. pas une âme ce soir, sauf assis dans l'noir celui qui fait bondir trop fort l'palpitant.
- tu t'la joues vamp à rester dans l'noir ?
-
-
- j'savais pas que t'étais là
- je s'rais sorti plus tôt d'la cuisine
-
-
-
- j'faisais du tikka masala
- mais j'me suis souvenu que y'avait aucune résa
-
-
- t'en veux ?
- puis comme ça tu m'diras c'que t'as
- pourquoi t'as l'air tout plat
❰ Damnation
InvitéInvité
❱ Rédemption
elle a pleuré. elle a pleuré assez pour que ça lui donne envie de se joindre au massacre qu'avait pourtant rien de pathos. elle a causé. elle lui a tenu la grappe pendant presque une demi-heure, son père s'en est mêlé à son tour. l'a raconté des tas de trucs, akira, surtout du faux plus que du vrai. à dire que ça va, à dire qu'il est mieux, à dire qu'il a bonne mine et qu'il bouffe bien, à dire que la ville est sympa, à dire qu'un de ces quatre ils pourront venir. l'a pas en projet de le faire, l'a pas en projet de leur parler du coin dans ses moindres détails, de la flaque de pisse du mec bourré au coin de la rue jusqu'au dernier meurtre en bande organisé soufflé par les murs. l'est resté comme un con, le cul enfoncé dans le canapé, le portable à la main à le prendre puis le reposer sans trop savoir quoi foutre, scroller sur des vidéos qui valent même pas un rire, à peine un bout de sourire. pousse un soupir, renifle un peu, les mains dans les poches à descendre les escaliers petit à petit, les anti-douleurs calés dans le fond de la poche de son pantalon. l'a la tête vide de tout bon sens, l'arrive dans le restau' qu'est vide, à peu près comme d'hab', de quoi lui foutre le cafard, à pas piger que ça se bouscule pas au portillon pour la qualité de la bouffe qu'arrache parfois la langue à la pince. y se pose dans un coin, entend que ça bosse en cuisine. l'a envie de cloper. farfouille, cherche. y'a rien. l'a oublié de s'en racheter. y se mord la langue, commence à trifouiller sa boucle d'oreille. sait pas quoi dire. sait jamais réellement où se foutre, et y pourrait s'y noyer dans son pull tout aussi grand qui cache sa carcasse raide comme un petit doigt osseux. l'hausse les sourcils quand la voix fait écho, que l'encadrement de porte laisse passer une ombre, l'a pas besoin d'ouvrir sa bouche que ça se capte, à tout qui peut se lire sur sa face sans promettre un livre sympa avec une quatrième de couverture à tout rétamer au box-office jusqu'à l'adaptation en trois films.
- j'viens tout juste d'arriver donc /
-
-
- mais,
- ouais ?
- ouais pourquoi pas ?
l'a l'appétit d'un oiseau malade, pour autant ça l'empêche pas d'apprécier la bouffe de a à z. dira jamais que ravi sait pas cuisiner, fera que le complimenter sur le moindre plat qui sort, sans défaut. qui sent bon. qu'est bon par-dessus le marché. y passe une paluche sur son propre genou pour le frotter un peu, l'en a plein le cul, akira, les nerfs sortis à vifs découpés en petits morceaux. y regarde ailleurs, fait pas dans l'affrontement direct qui en dit plus ou en dit trop, se contente de la causette avec le noeud dans l'estomac à deux doigts de la remontée d'acide. fout la paix à sa boucle pour s'attaquer à l'alliance qu'a coûté trente balles au mieux, pas de quoi lui couper ou lui arracher avec les dents, qu'il tourne et retourne dans tous les sens.
- j'avais ma mère au bout du fil,
-
- elle a pleuré,
-
-
- beaucoup,
-
- hm,
- ouais
❰ Damnation
InvitéInvité
❱ Rédemption
allé retour tiptop fissa dans la cuisine pour servir deux gros bols de tikka masala à en dire des nouvelles, parce qu'il sait bien cuisiner mine de rien ravi, même si y'a pas les clients qui s'bousculent au portillon. 'pourrait avoir l'super pouvoir de soigner avec ses plats, ça réchauffe les coeurs qu'il dit, bien qu'on l'croit pas. voilà les bols déposés et ravi qui s'installe face au mari qu'avoue avoir eu sa mère au bout du fil. des pleurs, c'tout ce qu'il lui a laissé, et ça fait grimacer ravi. pincement au coeur en pensant à sa propre daronne, mais elle elle pleure pas, jamais. pas le fils de l'année ravi, mais l'a pas les parents du siècle non plus donc ça fait un bon équilibre.
- shit.
-
-
- j'suis désolé.
- c'pas facile comme situation.
-
-
- tu t'sens comment ?
sujet est délicat, ça parle pas beaucoup de parents entre eux, p'être parce qu'ils sont deux gamins ingrats. mais savoir que la mère d'akira pleure l'absence de son gosse ça remue un peu ravi. vient bouffer une bonne cuillère du bol avant d'délaisser l'repas pour sortir de la poche du tablier deux joints. conte de fée qui s'ouvre, de quoi se sentir mieux d'un coup.
- ma p'tite réserve mais
- t'en as bien besoin.
-
-
- tiens.
viens foutre dans l'bec du conjoint l'herbe sacrée, avant d'approcher le briquet et d'allumer à même la bouche, l'regard qui lâche rien des yeux torturés. puis à son tour, viens s'allumer son propre joint pour souffler la fumée qui remplit doucement l'espace.
❰ Damnation
InvitéInvité
❱ Rédemption
l'a les épaules qui se haussent dans l'excuse qu'a pourtant pas à se pointer, dans la loose d'avoir encore fait présence de môme qu'a pourtant tout lâché à la dernière seconde. l'a fait l'effet d'une tempête à micro-échelle, akira, de l'enfermement complet à la disparition en un claquement de doigts. peut refaire easy-peasy sur papier les portraits de ses parents dépités, de la main de son père posée sur son épaule à essayer au mieux de lui faire voir la lumière du jour. y se mord l'intérieure de la joue, fini par foutre la paix à son alliance, sait pas quoi faire de son corps, comment le mouvoir sans douiller, comment le placer dans l'espace pour faire à peine office de décor plus que de comédien au plus long monologue. y'a un sourire qui pointe sur sa face, l'odeur de la bouffe lui caresse le pif au même titre que la fumée du spliff qu'il accueille sans broncher. y'a ses doigts qui passent dessus, y tire une longue taff avant de la souffler en essayant de faire un pauvre rond qu'a finalement rien de rond. pourra jamais imiter gandalf dans sa création vaporeuse d'un bâteau au tout début du film. y papillonne un peu des cils, coude sur la table, y traîne le silence comme un cadavre à cacher à l'autre bout de la ville. c'est lourd, c'est chiant, c'est lent et en plus y'a pas de bagnole pour aider la course.
- ça va,
-
- 'fin,
-
-
-
- ouais non ça va,
- ça vaaaaa,
- c'est juste /
- j'sais pas /
- j'crois qu'elle m'a proposé quinze fois de m'payer le billet retour,
-
- j'suis pas très chaud à cette idée
l'a la voix posée, akira, dans le grave comme dans le moins grave, genre de monocorde qu'a tout perdu sur le terrain quand fallait se la péter avec un trophée dans la main. y regarde le mur puis le bol puis ravi, dans la genre d'admiration passagère qui se force à être a minima rapide, veut pas la jouer bobo-hipster devant une oeuvre contemporaine. s'attarde sur sa tignasse, y trouve un point d'accroche invisible. elles ont toujours le chic pour tomber parfaitement ou y faut, à deux doigts du choc pétrolier tant y sont noirs.
- pas envie,
- leavenworth craint mais de là à retourner sur le tarmac ?
- bah,
-
-
-
-
❰ Damnation
InvitéInvité
❱ Rédemption
ça tire et relâche la fumée, contemple le rond foireux d'l'autre. s'y risque pas à l'faire ravi, connait pas le tips pour réussir et s'en fout complet t'façon. vient prendre une autre bouchée du plat et réfléchit. la mère qui propose à son fils plusieurs fois d'lui payer l'retour, ça plait pas à ravi. l'imagine pas akira s'barrer, s'demande bien ce qu'il ferait sans lui, si y'avait plus son body dormant sur l'canapé. ça ferait un vide, pire, un manque comme un sevrage imposé. pourrait pas y survivre, pourrait peut-être pas y échapper si un jour l'envie vient à akira d'se barrer, de rentrer chez lui, ravi dira rien, laisserait s'envoler vers l'autre contrée, mais y'aurait plus qu'des miettes de coeur à picorer.
-
-
- t'as vraiment jamais eu l'envie d'y retourner ?
- d'oublier le passé et de reprendre ta vie la bas ?
- une nouvelle vie j'veux dire.
-
-
- ou alors juste en passage.
- un weekend.
- histoire de dire bonjour ?
-
-
reluque le bol offert encore pas vraiment touché, y'a la main qui vient pousser vers lui, comme l'gardien qui veille à ce qu'akira se nourrit. l'sourire en coin, l'sourire qui dit tout ira bien même si en vrai il sait pas vraiment ravi, si tout ira bien. 'sait pas où il sera demain, si un jour la banque va pas s'pointer et déclarer la faillite, ou si un gang va pas v'nir tout saccager pour l'seul plaisir de faire chier. si ça c'passe ils feront quoi ? retourner chez les parents peut-être, mais si là où y'a les darons d'akira qu'attendent que ça, pas sûr que ceux de ravi lui ouvrent la porte, même si l'fils quémandait la charité. restera dehors comme un chien puni.
-
- c'est jamais facile la famille
- mais fait au mieux pour toi
-
-
- t'façon tu sais,
- ici tu restes autant qu'tu veux.
-
-
- on s'l'ai promis t'façon.
amusement sur la gueule teinté d'un peu d'coup d'coeur, quand ça lorgne sur la bague à 30balles max.
❰ Damnation
InvitéInvité
❱ Rédemption
l'écoute, l'écoute franchement, l'écoute comme il écoute personne d'autre. l'écoute, décortique le moindre mot qui rebondit. le regarde aussi, dans chaque geste qui fait bouger la table a minima, jusqu'à la poussée du bol qui met un genre de baume quelque part, sait pas trop où, tout à l'intérieur. l'inspire profondément la fumée, pose le bédot sur le cendrier qu'est pas très loin avant de prendre la cuillère et de taper un croc. l'est pas déçu pour changer, traîne un petit sourire dans le tout qui glisse comme une lettre à la poste, se passe du compliment qui s'étale sur sa tronche comme un tatouage fait d'un bout à l'autre de sa joue. l'a pas la foi de reprendre la marche jusqu'au japon, l'a pas la foi de se pointer à hiroshima dans un déluge de mots et de cris satisfaits, dans le y-sait-pas où y se trouvera à ce moment, quel job se farcir. bosser jusqu'à pas d'heure. zapper les relations comme les pubs qu'arrivent pile au moment climax d'une série qu'est pourtant pas si exceptionnelle que ça. fronce un peu les sourcils, se sent plus de se dégager de la roche de leavenworth ou du territoire. se doute qu'un de ces quatre il fera un doigt d'honneur à cette ville, qu'il y a pas sa place toute faite de toute manière, s'extirpe de l'ultraviolence dans un grincement de dents, veut pas finir comme eux, à cumuler les menaces au même titre qu'un philatéliste enragé.
- hmhm,
-
-
- et te laisser solo dans le restau ?
- attends j'nettoie trop bien les assiettes,
- c'est la chute direct si j'file
se marre un peu pour le fond comme pour la forme, se trouve une excuse comme une autre, peut même prétexter une migraine pour pas prendre le chemin vers la porte et revenir deux mois après. l'hausse un peu les épaules, akira, avant de reprendre une bouchée, tapote le bout de la cuillère sur ses lèvres qui lui refile un genre d'air pensif.
- j'suis pas si mal ici en vrai,
-
-
- mieux qu'là-bas
y lâche l'ustensile qu'il cale dans le bol avant de farfouiller dans sa poche pour en sortir le fentanyl. fait craquer la matière pour faire pop le cacheton qu'il se cale sous la langue en deux temps trois mouvements. y regarde ailleurs en pianotant un peu des doigts sur le bois, reprend le joint juste après s'être mis en tailleurs sur la chaise. l'y pense, le sait aussi. ça lui ferait un mal de chien. un genre de mal pour un bien qu'aurait pourtant tout à y gagner, à plus cacher sa tronche sous la terre en autruche qu'a rien d'une guerrière à envoyer au front. capte la lourdeur de son propre coeur qui lui tombe dans les talons.
- j'm'y suis fait à être bah /
-
- pas tout seul,
-
- avec toi dans les parages,
-
- c'est cool,
- très très cool
❰ Damnation
InvitéInvité
❱ Rédemption
y'a l'rire soufflé qui s'échappe comme un truc qu'on peut pas retenir, comme un truc qui sort du fond des tripes et qu'apparait sans prévenir. c'est l'effet qu'il fait aki, à v'nir comme ça arracher les sourires de ravi sans que ce soit prémédité. et à chaque fois, un peu plus ça l'fait tomber au fond d'un ras d'marrée qu'il peut pas retenir, l'genre de sentiments trop fort qu'on peut pas décrire. parce que y'a pas à renier qu'au fond y'a quelque chose qu'ils disent pas, qu'ravi avoue pas. l'aurait jamais cru s'attacher à un plan tinder, en faire son mari encore moins. mais v'la qu'la vérité éclate ; l'resto serait bien vide si akira prenait les voiles. la vie d'ravi serait bien triste si akira déguerpissait.
- j'avoue,
- j'devrais engager quelqu'un pour laver les plats
- je déteste faire ça
- et toi tu gères bien
-
-
-
- puis l'peu de clients qu'on a viennent pour sa jolie gueule,
- c'bien connu
s'marre avec, semi-compliment sous couvert d'humour, sait pas faire autrement que d'passer par l'ironie pour venir avouer les brides de sentiments. l'y pense peu au final, l'resto prend trop de place dans son quotidien. faut dire l'a tout abandonné ravi pour ouvrir c'gouffre qui s'enfonce dans l'néant, dans l'rien du tout. ça fait chier quand même. puis y'a le compliment d'akira qui vient percuter, qu'avec lui c'est cool. très très cool. le sourire s'échappe un peu plus, gêné comme pas deux vient passer une main dans sa tignasse pour camoufler les brides de rougeurs sur les joues. mettra ça sur l'compte de la fumette.
- t'es con.
-
-
- tu s'rais mieux ailleurs que dans s'trou à rats.
-
- mais moi j'te préfère ici avec moi,
- c'est vrai.
-
-
- sans toi/
- sans toi ce s'rait vraiment à chier.